Jovin arrête les Alamans à Scarponne (Dieulouard)
Les Alamans étaient une menace continuelle pour l'empire romain depuis le milieu du IIIème siècle de notre ère. En 268, ils lancèrent une invasion majeure dans le nord de l'Italie. L'empereur Claude le Gothique leur livra bataille près du lac de Garde et leur infligea une sévère défaite, qui les contraignit de retourner en Germanie.
Au printemps 355, les Alamans du roi Chnodomar effectuent une nouvelle incursion de grande ampleur, cette fois en province de Belgique Première (Cités de Trêves, Metz, Toul et Verdun…), et occupent les territoires de toutes les cités entre le Rhin et la Marne. La situation est grave, au point que l'empereur Constance II envoie son cousin Julien avec le titre de César. Après un début de campagne difficile (les Alamans manquent de peu d'anéantir deux de ses légions à Decempagi (Tarquimpol) en Moselle), mais Julien les bat de manière décisive près de Strasbourg en 357, et les poursuit au-delà du Rhin, jusque dans la Région du Main.
Guerrier alaman (vue d'artiste)
Mais dès 365, les barbares rompent la paix imposée par Julien et franchissent de nouveau le Rhin, le fleuve étant pris par la glace. Le général romain Carietton -un Franc d'origine- qui commande dans les deux Germanies, et son collègue Sévérien, veulent empêcher cette nouvelle invasion ; le premier est tué et le second est renversé de cheval et dangereusement blessé. Les Alamans passent et se dririgent -probablement par la trouée de Saverne- vers le sud de la Belgique Première, c'est-à-dire les territoires leuque (Toul) et médiomatique (Metz).
L'empereur, qui se trouve alors à Paris, dépêche son "comte des officiers domestiques" (le chef de son quartier général), Dagalaif, pour juguler l'invasion ; mais les Alamans se sont disséminés et sont devenus si insaisissables, que Dagalaif ne parvient pas à leur livrer bataille.
Laissons l'historien latin Ammien Marcellin* nous raconter la suite…
"Valentinien ayant appris avec un grand chagrin cette défaite (celle de Sévérien et de Carietton), envoya pour y remédier Dagalaïf, qui se trouvait alors à Paris. Mais celui-ci, différant toujours d'attaquer les Germains, et donnant pour motif que leur division en plusieurs bandes l'empéchait de leur livrer bataille, fut rappelé peu de temps après pour prendre les insignes du consulat avec Gratien, qui n'était pas encore en charge et Jovin*, maître de la cavalerie, fut chargé de le remplacer.
Celui-ci, après avoir pris toutes les précautions et tous les renseignements nécessaires, et surveillant avec grand soin les deux flancs de son armée, s'approcha du lieu nommé Scarpone ; là, il surprit une troupe considérable de Germains et la massacra, avant même que les barbares eussent pu saisir leurs armes.
Profitant de l'ardeur des soldats, encouragés par ce combat glorieux qui ne leur avait point coûté de sang, Jovin les conduisit contre une autre bande.
S'avançant avec lenteur, cet excellent général apprit par des éclaireurs, sur lesquels il pouvait compter, que les barbares, après avoir dévasté les villas voisines, se reposaient près du fleuve. Il s'en approcha et, caché dans une vallée par l'épaisseur d'une forêt, il aperçut les Germains, les uns se baignant, les autres se teignant la chevelure en rouge, selon leur coutume, et les autres buvant. Trouvant le moment favorable, il ordonna aussitôt aux clairons de donner le signal et se précipita sur le camp des barbares. Ceux-ci ne purent que faire entendre des cris et des menaces aussi vaines que ridicules ; les vainqueurs, fondant sur eux avec rapidité, ne leur laissèrent le temps ni de saisir leurs armes dispersées çà et là, ni de se mettre en bataille, ni de se réunir en force. Un grand nombre tombèrent percés de coups d'épées ou de javelots ; il n'y eut de sauvés que ceux qui gravirent des sentiers difficiles et tortueux.
Après ces heureux succès, dus au courage et à la fortune, et qui augmentèrent la confiance du soldat, Jovin envoya devant lui des éclaireurs, et conduisit promptement son armée contre une troisième bande de barbares…
Jovin massacra cette troisième colonne en Champagne.
* V. Ammiani Marcellini est né vers 330 et mort vers 395 ; il a écrit les Rerum gestarum qui de XXXI supersunt libri XVIII
** Flavius Jovin, était un général romain d'origine gauloise, né à Reims. Nommé Maitre de la Cavalerie romaine en Gaule par l'empereur Julien, il conserva ce commandement sous Jovien puis sous Valentinien Ier. En 367 il devint consul ; converti au christianisme il fit construire à Reims l'église des Saints Agricole et Vital, où il fut inhumé à sa mort en 370.
Sarcophage dit de Jovin. Selon la tradition, Jovin aurait apporté ce sarcophage d'Italie
pour lui servir de sépulture
(Musée archéologique Saint Rémi de Reims)