Metz gallo-romain
Divodurum semble n'avoir été qu'une bourgade très moyenne avant la fin de l'indépendance gauloise. Après la conquête romaine, la situation de la "ville" et les condi-tions favorables de politique et d'économie lui ont assuré un développement dépassant de très loin celui qu'ont connu les autres agglomérations des deux "cités" médiomatrique et leuque.
La bourgade gauloise
Les historiens de Metz ont toujours présenté Divodurum comme un très bon exemple d'oppidum. Etabli sur la butte du Haut-de-Sainte-Croix, il dominait le confluent de la Moselle et de la Seille de ses pentes escarpées (elles l'étaient beaucoup plus qu'aujourd'hui ; au fil des siècles, les remblaiements urbains ont atténué la pente) et contrôlait le carrefour des axes de communication méridien et transversal est-ouest. C'est cela qui faisait sa valeur, et non l'intérêt défensif du site : les avancées de la cuesta de la Moselle sur la rive gauche du fleuve (Mont Saint Quentin etc…), avaient une valeur défensive très supérieure à celle du Haut-de-Sainte-Croix. C'est donc la fonction économique de contrôle des péages des voies fluviales et terrestres qui se croisaient à ses pieds, qui devaient faire la fortune de Metz gallo-romain.
L'habitat protohistorique, fort mal connu, était borné au sud, où la pente naturelle était la moins forte, par un rempart (l'actuelle rue Taison) dont l'existence avait été souvent présumée mais n'a été prouvée que récemment par la découverte d'un tronçon d'une vingtaine de mètres montrant une succession de trois états entre 110 av. J-C et le milieu du 1er siècle avant J-C.
L'urbanisation gallo-romaine
Le site de cet oppidum a constitué le premier noyau de l'urbanisation, mais il s'est trouvé rapidement débordé par les progrès de celle-ci. Elle s'est faite dans plusieurs directions et les recherches menées en divers points de la ville actuelle remettent en question les anciennes propositions de carroyage urbain : l'une superposait aux rues actuelles un réseau de rues rectilignes, mais les découvertes des années 1970-80 prouvent que les directions de voierie conservées à travers la ville médiévale diffèrent de celles du Haut-Empire ; une autre proposition se fondait sur la découverte de vestiges interprétés comme des éléments de rues romaines, mais cette reconstitution théorique ne s'appuyant sur aucune critique de la documentation ancienne, ne présentait aucun caractère de certitude.
Les observations faites à la lumière des fouilles des années 70-80 en plusieurs quartiers de la ville montrent qu'il faut abandonner l'idée d'un carroyage unique et rigide qui aurait servi d'armature à la totalité de l'espace urbain. Ce n'est pas que cette urbanisation ait manqué d'une volonté d'organisation, mais celle-ci a dû tenir compte de la topographie, qui a imposé des tracés de voirie différents dans les diverses directions dans lesquelles la ville s'est étendue.
La première extension s'est faite au sud de la butte du Haut-de-Sainte-Croix, dans la partie centrale de la ville actuelle, selon une orientation sud-ouest / nord-est tenant compte des données topographiques : bord abrupt de la terrasse alluviale au-dessus de la Moselle à l'ouest, coude prononcé du cours antique de la Seille à l'est où elle venait buter contre le site de l'oppidum. L'urbanisation a gagné rapidement la partie méridionale de l'interfluve Seille-Moselle où la présence de traces d'habitat de l'époque d'Auguste à Claude a été décelée à l'Arsenal Ney, selon une orientation différente de la précédente et qui paraît avoir déjà été celle que l'on relève à partir du milieu du Ier siècle. A cette époque, en effet, ce quartier s'est organisé selon un système de voirie perpendiculaire à la grande route de Lyon à Trèves, qui s'adapte au léger relief existant. Selon le mobilier découvert à différents niveaux cette voirie a été utilisée du milieu du 1er siècle au IIIème siècle.
L'urbanisation s'est étendue aussi de part et d'autre de l'interfluve Seille-Moselle dès la première moitié du Ier siècle.
D'une part au sud-est, au-delà du cours antique de la Seille, dans une zone desservie par le cours navigable de cette rivière et par la route de Metz à Strasbourg, matérialisée encore actuellement par le tracé de la rue Mazelle. Le nom de cette rue évoque un " marché" (maceIlum) : dès le premier quart du Ier siècle, des vestiges de mobilier domestique témoignent d'une première occupation et dans le deuxième quart du même siècle, le quartier a reçu une installation d'artisanat céramique.
D'autre part, au nord-ouest, la terrasse alluviale située entre le cours principal et le bras oriental de la Moselle a reçu dès l'époque tibérienne (14-37) des constructions sommaires; au cours de l'époque claudienne (41-54) l'occupation de ce secteur s'est densifiée et s'est organisée selon un réseau de voirie axé orthogonalement sur la route de Metz à Trèves par la rive gauche de la Moselle: cette voirie dessine des îlots rectangulaires dont le modèle ne paraît pas toujours régulier - l'un d'eux, connu dans ses deux dimensions, mesure 43 m sur 39 m.
Dès la première moitié du Ier siècle l'urbanisation s'est faite ainsi dans trois grandes directions, selon une orientation chaque fois différente : voilà qui ruine les précédentes théories d'un développement dans le cadre d'un même carroyage. Et voilà aussi qui prouve la rapidité de l'extension de cet espace urbain messin : même si les contours de la ville gallo-romaine des deux premiers siècles ne peuvent être saisis dans leur détail, on constate que dès le milieu du Ier siècle la ville a atteint des limites qu'elle n'a guère dépassé par la suite. Le périmètre qu'elles dessinent englobait ainsi une soixantaine d'hectares.
L'importance de cette extension spatiale explique sans doute la division de la ville en quartiers, qui portaient le même nom de vicus que les centres urbains secondaires, puisqu'une inscription mentionne le "quartier de l'Honneur" et une autre le "quartier de la Paix", sans qu'on en connaisse l'implantation territoriale de ces quartiers.
Metz apparaît ainsi dès la fin du premier siècle de la domination romaine comme la ville de beaucoup la plus étendue de la Lorraine actuelle : toutes les autres, y compris le chef-lieu de la cité des Leuques, Toul, ne semblent pas avoir dépassé la taille d'une agglomération secondaire.
D'après Yves Burnand ; Encyclopédie Illustrée de la Lorraine
Editions Serpenoise - Presses Universitaires de Nancy - 1990