Le pèlerinage de Benoîte-Vaux (3)
Deuxième jour de la neuvaine, 7 de mai.
Dès les trois heures du matin, les cloches de la cathédrale furent carillonnées jusqu'à l'heure du départ, Tout fut accompli comme ci-dessus, et les mêmes honneurs faits et rendus par Messieurs les vénérables, le gouverneur et la garnison, à l'entrée, furent réitérés à la sortie, et la procession sortant de Toul, prit le chemin pour aller chercher Tout(1) dans le trésor des grâces de Dieu, enclos dans le cabinet du Tout-Puissant, la sacrée Vierge.
Aux approches du bourg de Foug, M. le curé, avec ses clercs et environ une douzaine d'enfants en surplis, accompagné de son peuple, vint au-devant de la procession, avec la croix, l'eau bénite et l'encens. Les rues étaient jonchées de fleurs, il y avait quantité de feux de réjouissance, et, en cette manière, conduisit notre procession plus d'un quart de lieue hors du bourg, où, en le quittant, nous recommandâmes aux prières de son peuple le dessein du pèlerinage, On acheva les dévotions ordinaires jusqu'à la station de midi, qui se fit à une très-dévote croix, qui semblait être mise là expressément. Là se fit l'examen et la réflexion, faite : 1° sur l'honneur qu'il y a d'être serviteur de la Vierge, à l'occasion de celui qu'ils avaient reçu à Toul ; 2° sur la modestie nécessaire pour jouir de cet honneur et pour attirer tout le monde à louer Dieu ; 3° ils furent invités, pour participer à cet honneur, de se mettre en la compagnie de Jésus, Marie et Joseph, retournant d'Egypte en Nazareth, avec ces belles paroles en bouche : nous sommes le bon odeur de Jésus et de Marie.
Tous messieurs les pasteurs et paroissiens des villages voisins où l'on passait, venaient en procession recevoir et conduire la nôtre bien loin hors de leurs paroisses. Les bonnes gens faisaient caresse à ces messieurs de Nancy de geste, de discours, de tout ce qu'ils pouvaient ; plusieurs sortaient avec des seaux d'eau (parce qu'il faisait fort chaud) pour rafraîchir les pèlerins ; s'ils eussent eu davantage, ils l'auraient présenté. Si un verre d'eau donné au nom d'un prophète mérite la récompense d'un prophète, que sera-ce d'un seau donné au nom de la Reine des prophètes ?
Continuant nos dévotions et notre chemin, le son des cloches de Commercy, et la vue d'une grande procession qui venait recevoir nos messieurs, nous firent connaître la dévotion de tous les habitans de la ville. Quatre bannières, suivies de quantité d'enfants en surplis, tenaient le devant et, après vingt-quatre porte-flambeaux, portant chacun la marque de sa confrérie, messieurs les vénérables chanoines et curé étaient suivis de la noblesse, des soldats de la garnison, du peuple et de presque de tous ceux de la ville : et n'est-il pas raisonnable que tout marche pour honorer la Toute Aimable en ses serviteurs et pèlerins, qui, sans autre recherche, se laissaient ainsi conduire sans intermettre leurs litanies, que pourtant ils interrompirent au milieu de la place de la ville, où, prosternés à genoux, ils chantèrent trois fois O crux ave, spes unies, etc., pour adorer une très-belle croix de pierre plantée là au milieu de la place, pour marque de l'ancienne dévotion et du vrai christianisme de messieurs de Commercy. Après quoi, on reprit la litanie où on l'avait intermise, et, passant devant la collégiale, de rechef on fit une petite intermission pour saluer le grand saint Nicolas, patron de l'église, et delà on alla à la paroisse achever les dévotions journalières, et tous furent avertis, après la bénédiction du Saint-Sacrement, de se souvenir de leurs premiers desseins, de se montrer en tous leurs gestes et déportements vrais pèlerins en ce monde, sans regretter ce qu'ils avaient laissé, ains prenant patience en leur lassitude, et de dire pour mot du guet : "Ce n'est pas ici notre patrie, ains là haut dans le paradis que nous cherchons" ; et après, chacun se retira.
Le zèle de Monsieur le gouverneur fut admirable ; il fit faire défense, à son de tambour, sur peine de la vie, à tous les soldats de la garnison, de molester aucun pèlerin, ni de leur faire aucun tort, ains de les honorer, servir et recueillir charitablement.
La charité de cette grande servante de Dieu et de la Vierge, Madame Desarmoise de Jaulny (2) se fit ressentir à tous les ecclésiastiques pèlerins, qu'elle invita avec grande cordialité dans son château, où elle traita, fort abondamment et de grande joie, tous ceux qui, en allant et en repassant, lui donnèrent la satisfaction de la visiter.
(1) L'auteur paraît faire ici un jeu de mot sur le nom de Toul, dont, à cette époque, on ne prononçait sans doute point la dernière lettre.
(2) La terre de Jaulny appartenait :à une brancbe de la grande fainille des Armoises.
A suivre : le 3ème jour de la neuvaine : Saint-Mihiel
Dès les trois heures du matin, les cloches de la cathédrale furent carillonnées jusqu'à l'heure du départ, Tout fut accompli comme ci-dessus, et les mêmes honneurs faits et rendus par Messieurs les vénérables, le gouverneur et la garnison, à l'entrée, furent réitérés à la sortie, et la procession sortant de Toul, prit le chemin pour aller chercher Tout(1) dans le trésor des grâces de Dieu, enclos dans le cabinet du Tout-Puissant, la sacrée Vierge.
Aux approches du bourg de Foug, M. le curé, avec ses clercs et environ une douzaine d'enfants en surplis, accompagné de son peuple, vint au-devant de la procession, avec la croix, l'eau bénite et l'encens. Les rues étaient jonchées de fleurs, il y avait quantité de feux de réjouissance, et, en cette manière, conduisit notre procession plus d'un quart de lieue hors du bourg, où, en le quittant, nous recommandâmes aux prières de son peuple le dessein du pèlerinage, On acheva les dévotions ordinaires jusqu'à la station de midi, qui se fit à une très-dévote croix, qui semblait être mise là expressément. Là se fit l'examen et la réflexion, faite : 1° sur l'honneur qu'il y a d'être serviteur de la Vierge, à l'occasion de celui qu'ils avaient reçu à Toul ; 2° sur la modestie nécessaire pour jouir de cet honneur et pour attirer tout le monde à louer Dieu ; 3° ils furent invités, pour participer à cet honneur, de se mettre en la compagnie de Jésus, Marie et Joseph, retournant d'Egypte en Nazareth, avec ces belles paroles en bouche : nous sommes le bon odeur de Jésus et de Marie.
Tous messieurs les pasteurs et paroissiens des villages voisins où l'on passait, venaient en procession recevoir et conduire la nôtre bien loin hors de leurs paroisses. Les bonnes gens faisaient caresse à ces messieurs de Nancy de geste, de discours, de tout ce qu'ils pouvaient ; plusieurs sortaient avec des seaux d'eau (parce qu'il faisait fort chaud) pour rafraîchir les pèlerins ; s'ils eussent eu davantage, ils l'auraient présenté. Si un verre d'eau donné au nom d'un prophète mérite la récompense d'un prophète, que sera-ce d'un seau donné au nom de la Reine des prophètes ?
Continuant nos dévotions et notre chemin, le son des cloches de Commercy, et la vue d'une grande procession qui venait recevoir nos messieurs, nous firent connaître la dévotion de tous les habitans de la ville. Quatre bannières, suivies de quantité d'enfants en surplis, tenaient le devant et, après vingt-quatre porte-flambeaux, portant chacun la marque de sa confrérie, messieurs les vénérables chanoines et curé étaient suivis de la noblesse, des soldats de la garnison, du peuple et de presque de tous ceux de la ville : et n'est-il pas raisonnable que tout marche pour honorer la Toute Aimable en ses serviteurs et pèlerins, qui, sans autre recherche, se laissaient ainsi conduire sans intermettre leurs litanies, que pourtant ils interrompirent au milieu de la place de la ville, où, prosternés à genoux, ils chantèrent trois fois O crux ave, spes unies, etc., pour adorer une très-belle croix de pierre plantée là au milieu de la place, pour marque de l'ancienne dévotion et du vrai christianisme de messieurs de Commercy. Après quoi, on reprit la litanie où on l'avait intermise, et, passant devant la collégiale, de rechef on fit une petite intermission pour saluer le grand saint Nicolas, patron de l'église, et delà on alla à la paroisse achever les dévotions journalières, et tous furent avertis, après la bénédiction du Saint-Sacrement, de se souvenir de leurs premiers desseins, de se montrer en tous leurs gestes et déportements vrais pèlerins en ce monde, sans regretter ce qu'ils avaient laissé, ains prenant patience en leur lassitude, et de dire pour mot du guet : "Ce n'est pas ici notre patrie, ains là haut dans le paradis que nous cherchons" ; et après, chacun se retira.
Le zèle de Monsieur le gouverneur fut admirable ; il fit faire défense, à son de tambour, sur peine de la vie, à tous les soldats de la garnison, de molester aucun pèlerin, ni de leur faire aucun tort, ains de les honorer, servir et recueillir charitablement.
La charité de cette grande servante de Dieu et de la Vierge, Madame Desarmoise de Jaulny (2) se fit ressentir à tous les ecclésiastiques pèlerins, qu'elle invita avec grande cordialité dans son château, où elle traita, fort abondamment et de grande joie, tous ceux qui, en allant et en repassant, lui donnèrent la satisfaction de la visiter.
(1) L'auteur paraît faire ici un jeu de mot sur le nom de Toul, dont, à cette époque, on ne prononçait sans doute point la dernière lettre.
(2) La terre de Jaulny appartenait :à une brancbe de la grande fainille des Armoises.
A suivre : le 3ème jour de la neuvaine : Saint-Mihiel